La collection 

Créée en 1965 à Paris, au Théâtre Hébertot, cette fine et brillante comédie de Harold Pinter n'a pas pris une ride. Thierry Harcourt l'a mise en scène avec élégance et raffinement. Jusqu'où peut conduire la jalousie ? Est-elle justifiée ou non ? Harry harcèle Bill, jeune dessinateur de mode, à propos d'une liaison qu'il aurait eue avec son épouse Stella, designer comme lui. On sent qu'il souffre. Le dialogue de Pinter aiguisé comme un rasoir fait rire, mais questionne également. Stella reste souvent silencieuse et Harry, la quarantaine, voudrait comprendre lui aussi ce qui s'est passé ou non, entre son jeune compagnon avec lequel il a une relation assez possessive et capricieuse. Il va jusqu'à aller interroger la jeune femme chez elle. Tout ceci reste feutré, policé, mais le danger est omniprésent. On sent qu'Harry, qui souffre profondément, pourrait aller plus loin. Ce qui est intéressant dans le travail des acteurs avec leur metteur en scène c'est que l'on est tout près de la tension d'un thriller psychologique, comme le veut l'auteur, qui nous fait plonger dans les méandres de l'âme humaine face à ce mensonge ou à cette vérité. D'étranges liens se tissent entre ces trois hommes, surtout entre Harry et Bill, les deux rivaux envers une même mystérieuse épouse. Est-elle une affabulatrice ? Y a -t-il une part de vérité dans cette relation adultère ? Le jeu de Pinter est de nous dérouter et il y réussit parfaitement grâce à des acteurs magnifiques, Nicolas Vaude mari jaloux et torturé, Davy Sardou, charmeur mais un peu manipulateur, Thierry Godard, dans la belle intensité de celui qui voudrait bien comprendre et qui ramène le calme... apparent, avec son autorité naturelle. Et la belle Stella, dans cette histoire, avec son chat blanc et ses grands yeux noirs, ne s'incarne-t-elle pas, dans la charmante Sara Martins, en "grande manipulatrice " de toute cette histoire ?
Très beau spectacle, on rit beaucoup, mais on sort du théâtre en se posant encore des question, tandis que, là-haut, le Prix Nobel de littérature, Harold Pinter, s'en amuse.